La dalle de verre est un médium idéal. Ce verre singulier condense la couleur sublimée par la lumière. Sa texture dense est précieuse, ses teintes somptueuses sont rayonnantes. Ses sonorités, ses timbres ont une parenté avec la musique. Lorsque la gamme des notes graves alterne avec la brillance des tons purs elle tempère la puissante luminosité des verres. Les tons clairs, l’éclat des couleurs dominantes, s’allient dans nos compositions à des plages sourdes ou des accents profonds. Nous aimons particulièrement ce mouvement d’ombre et de lumière fusionnant avec le dessin des formes qui évolue avec le soleil au fil des heures.

La création d’un vitrail a quelques impératifs, notamment celui de s’intégrer à l’architecture. Il ne fait pas seulement entrer la clarté extérieure, il crée une atmosphère colorée qui imprègne le lieu qui le reçoit. Aussi, la lumière doit être maîtrisée et dosée suivant la perspective, l’orientation, l’espace. Leur interprétation est nécessaire pour imaginer chaque maquette, que ce soit pour un bâtiment public ou une habitation. Ainsi, s’il s’agit d’une église ancienne, une restauration servile à l’identique non motivée ou un travail imitant le passé, iraient à l’encontre de son authenticité. A l’inverse, innover permet de créer une continuité sensible et libre, inspirée par le lieu, qui assimile son passé sans le trahir. Dans un lieu sacré, les couleurs, comme la lumière, prennent une connotation symbolique. Distribuées idéalement suivant l’exposition, elles suivent d’une fenêtre à l’autre une progression continue ou par contrastes, leur ensemble produisant une unité dans la diversité. L’expression non figurative, pour laquelle nous avons une prédilection sans pour autant exclure le figuratif, est en accord avec notre perception du vitrail, formes et couleurs, métamorphoses de la lumière. Elle va à l’essentiel pour traduire ce que nous ressentons et reste ouverte au sens personnel que chacun peut lui donner.

La taille du verre est prenante, précise, inventive aussi dans l’interprétation des formes, le fractionnement de la couleur qui donnent son rythme particulier à chaque vitrail. Les éléments sont façonnés un à un patiemment tout en veillant à la cohérence de l’ensemble, les teintes et les éclats contrôlés à la lumière pour trouver de beaux accords. Le verre sonne, il n’y pas de machine, peu d’outils. Pour la taille, il est posé en équilibre, stable sur le tranchet. C’est le moment d’en apprécier sous les doigts le grain, la densité. Toutes  les dalles ne se taillent pas de manière identique, certaines exigent de la maîtrise, la concentration permet d’anticiper les réactions. C’est magique d’entendre réagir le verre au choc de la marteline, de percevoir la justesse du son qui fait pressentir la réussite d’une pièce difficile.

Pour l’équilibre de la coloration, la juxtaposition de valeurs est renforcée par les éclats. Pratiqués dans l’épaisseur sur un côté de la dalle, ils font varier l’intensité des couleurs, fabriquent des nuances nouvelles plus ou moins translucides. Leurs prismes diffusent la lumière, produisent des oppositions nettes ou des dégradés fluides vers la clarté. Essentiels au vitrail, ils ne sont pas aléatoires, ni systématiques. Ils suivent l’inspiration, taillés à même la couleur, pour créer nos propres degrés de tons et de lumière. Ils accompagnent les formes, s’allient à la limpidité du fond nuancé parfois de verres très pâles. Le blanc lorsqu’il est éclaté devient étincelant, mouvant, miroite comme de l’eau. Ses bulles, ses inégalités de surface participent au scintillement. Il allège la coloration et en même temps l’affirme.

Cet échange s’opère aussi avec les ciments. Leur teinte au lieu de s’opposer aux blancs les complète. Ces structures sombres qui cernent les verres, sont pour nous une couleur, un noir qui devient mat à leur contact. Ils n’ont pas la monotonie d’un produit industriel. Dessinés librement, ils peuvent être ténus ou plus larges, et sont souvent influencés par la nature environnante. Employés judicieusement, ils charpentent la composition, répondent aux rythmes et aux proportions de l’architecture, parfois accentués par des reliefs sculptés. A l’extérieur leur réseau anime la surface des vitraux. Ils calment le rayonnement intense des verres mais laissent régner la coloration. Ils ont plus qu’un simple rôle utilitaire de sertissage des pièces, par leur graphisme ils imposent leur dynamique propre et entrent en dialogue avec la couleur, qui s’en échappe ou s’y appuie.

Le vitrail en dalle de verre est en résonance avec les principaux courants de la peinture moderne, qui ont insufflé le renouveau de l’art sacré, au moment de l’effervescence de la reconstruction de l’après guerre. Nous y retrouvons aussi les jeux de brillance et de vibration des vitraux gothiques, figuratifs, mais qui souvent placés en situation éloignée, en deviennent abstraits. A toutes les époques, le peintre verrier peint avec de la lumière, et doit trouver un chemin personnel dans une continuité. L’étude des vitraux anciens du Moyen Age et de la Renaissance nous montre la voie, les formes changent mais les exigences demeurent les mêmes. Elles nous poussent à inventer tout au long du travail, de la création de la maquette à l’élaboration de sa réalisation. C’est aussi captivant que la découverte des mystères de la lumière traversant le verre coloré, de ses mouvements poétiques et imprévisibles, variant avec le jour, tour à tour euphorisants ou invitant au calme.

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